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Le voyage aux Amériques

Le voyage aux Amériques du Comte Hans Axel de Fersen



La guerre était finie.
Fersen contemplait le soleil couchant avec amertume. Les colons américains avaient gagné leur indépendance et le temps de la reconstruction commençait déjà.

La guerre était finie et il était vivant.
Qu’allait-il devenir ? Il était hors de question qu’il rentre en France. Chaques jours, durant ces longues batailles, il n’avait pensé qu’à elle. Pourtant, il savait plus que jamais que leur amour resterait toujours impossible. Au début de la guerre, il avait espéré mourir au champ d’honneur, mettant ainsi un terme à sa souffrance infinie. Dieu en avait décidé autrement…

La guerre était finie et il lui semblait que la douleur était moins vive à présent qu’il était loin d’elle.
Un peu perdu, sans but, Axel de Fersen décida de parcourir ce pays qu’il venait de libérer et qu’il commençait à aimer.
Il pris donc la direction des terres vierges de l’Ouest américain. Seul, il parcourut les grandes prairies, les montagnes, terres sauvages encore inconnues de l’homme blanc.
En homme de science du siècle des lumières, Fersen allait pacifiquement. Il apprenait de chaques choses et observait avec émerveillement ce monde nouveau.
C’est ainsi qu’il fit la rencontre d’une tribu autochtone, des Sioux, dans ce qui serait le futur état du Dakota. Il fut accueilli avec bienveillance par ces gens simples et bons. Durant de nombreuses semaines il partagea leur existence nomade, apprenant leur langue et leurs coutumes avec un grand bonheur. Il lui fut même donné un nom Sioux : Dûbenn ringglawar (l’homme de la nuit du froid soleil en sindarin…)
De longs mois s’écoulèrent ainsi, dans la sérénité et l’insouciance. Lorsque la tribu se dirigea vers les montagnes pour prendre son camp d’hiver, Fersen fit ses adieux et continua son périple exploratoire vers le sud.
Peu de temps après leur séparation, le Comte fut pris d’une mauvaise fièvre en plein désert. Seul, désemparé, il ne dut son salut qu’à la médecine indienne que lui avait offert Aigle-Noir, le chaman de la tribu, le jour de son départ, en gage d’amitié.

La peur de mourir dans la solitude fut si forte et si terrible qu’il décida de revenir à la civilisation. C’est ainsi qu’Axel de Fersen prit la direction de l’est et rejoignit enfin les terres de Louisiane.




Charmé par cette contrée anciennement française, il décida finalement de s’établir à la Nouvelle-Orléans. C’était une ville pleine de vie et de couleurs où se mélangeaient des gens d’origines très diverses. Fersen s’installa dans un meublé confortable et discret, sous un nom d’emprunt : Oscar Grandier. Il savait que si l’on apprenait, dans la bonne société de la ville, la venue du Comte Hans Axel de Fersen, il n’aurait plus de répit. A présent qu’il avait goûté à la solitude et à une vie simple, il ne se sentait plus le goût de ces festivité frivoles qui lui rappelleraient par trop Versailles et la cour…
Depuis son installation, il avait rédigé de nombreux feuillets relatant son expérience de vie dans les hautes plaines, et il les publiait dans une gazette locale. Ses récits avaient grand succès et lui rapportaient même un revenu confortable.
Fersen aimait tout particulièrement déambuler sans but précis dans les rues animées de la citée.
Le soir, il lui arrivait de s ‘attarder dans les bruyantes tavernes. Il s’amusait à observer tous ces gens qui riaient bruyamment.
Qu’il était loin de la cour et de ses souffrances ! Fersen se sentait bien, heureux de mener cette existence simple loin des vanités de Versailles.
Un soir, il remarqua un homme étrange au milieu de la foule bigarrée.
C’était un homme jeune, vingt ans tout au plus, de haute taille (dans les un mètre quatre vingt), mince et élancé. Son opulente chevelure blonde et bouclée était retenue par un ruban de soie noire. Son teint était lumineux et ses yeux gris brillaient d’un éclat brûlant dans la pénombre. Il était très élégamment vêtu de velours et de brocard, ce qui étonna Fersen compte de tenu de la chaleur étouffante de la ville en cette saison.
Intrigué par cette présence incongrue dans un pareil lieu, Fersen observa discrètement l’inconnu.
Le jeune homme avançait avec une grâce féline, ce qui renforçait sa différence et sa délicatesse d’aspect au milieu de cette faune nocturne aux manières frustres. Axel de Fersen pensa que c’était sans doute l’un de ces aristocrates désœuvrés qui venaient s’encanailler dans des bouges…il émanait cependant de lui une aura de mystère qui intrigua le comte suédois au plus haut point. Ce personnage pourrait bien, après tout lui fournir matière à écrire dans la gazette !
N’ayant à priori rien trouvé qui l’intéressa en ce lieu, le jeune homme sortit. Fersen décida de le suivre, mais à peine fut il dehors qu’il avait déjà perdu sa trace…
Plusieurs jours s’écoulèrent avant que Fersen ne croise à nouveau le mystérieux inconnu.




C’était un soir d’été, le Gentilhomme Suédois déambulait dans les rues animées. Le soleil était couché depuis moins d’une heure. L’air était lourd, chargé du parfum des roses et du jasmin. Fersen était plongé dans ses pensées, il était d’humeur mélancolique et son cœur se serrait à la pensée de la France. Il pensait beaucoup à Oscar ces derniers temps, son amie lui manquait. Maintenant qu’il avait fait le vœu de ne plus jamais rentrer en France, il se rendait compte à quel point ces chers amis lui manquaient. C’était d’ailleurs en souvenir de l’amitié qu’il portait à Oscar et André qu’il avait prit leurs prénom et nom pour sa nouvelle identité.
Il fut brutalement tiré d sa rêverie , le jeune homme blond était là, devant lui. Il le regardait en souriant. Un sourire carnassier et sensuel à la fois. « Oscar ? Quel étrange prénom pour une femme ! » dit il en le regardant droit dans les yeux. Ebahit, Fersen ne sut que répondre. Comment cet homme avait-il deviné ses pensées ? « cela n’a rien de difficile ! Croyez moi ! » s’exclama t-il en riant. Un rire métallique et froid. Fersen en eut les sangs glacés. Il éprouvait un étrange sentiment de répulsion mêlée de fascination pour cet homme à la beauté surnaturelle.
«Inutile de vous poser tant de questions , Monsieur de Fersen ! Nous nous reverrons très bientôt ! » à ces mots il disparut si vite qu’il semblait n’avoir jamais été là…
Fersen resta pétrifié sur place pendant un long moment. Il n’avait pas ouvert la bouche et pourtant l’autre savait tout de ses pensées. Il connaissait son nom et bien d’autres choses dont il n’avait jamais parlé depuis son arrivée dans ce pays. Il semblait à Fersen que cet homme avait mis son âme à nu en l’espace d’un regard.
Effrayé par cette rencontre, le beau suédois ne sortit pas pendant plusieurs jours. Non pas qu’il fut lâche, loin de là, mais cet homme l’avait glacé au plus profond de son âme. Sa raison lui commandait la plus grande prudence. Après tout, il avait vu des choses tellement étranges et déroutantes lors de son séjour chez les Sioux. Aigle noir l’avait initié au chamanisme et Fersen avait vécu des choses intimes et particulières aux frontières de la conscience. (voir le « Blueberry » de Ian Kounnen)
A son arrivée à la Nouvelle Orléans, il avait eu vent des coutumes vaudoues pratiquées par les esclaves. D’autres en souriaient, mais lui savait bien qu’il ne fallait pas rire de ces choses là, et cet homme ne faisait qu’attiser son inquiétude.
Un matin il se décida tout de même à sortir. Le soleil était haut et sa lumière lui redonnait confiance. Il se procura un ouvrage traitant de la sorcellerie vaudoue espérant y trouver des réponses.
C’est installé à son secrétaire qu’il se plongea dans la lecture de l’ouvrage. La nuit était tombée quand il eut fini l’ouvrage. Il contemplait les étoiles par la fenêtre quand un bruit le fit se retourner.
Il était là, assis dans un fauteuil, ses cheveux tombaient librement sur ses épaules et ses dents luisaient d’un éclat vif dans l’obscurité.
« Pensez-vous avoir fait le bon choix en quittant la France ? Ou plutôt en la fuyant devrais-je dire... Comment qualifier autrement votre départ ?Vous vivez ici comme en exil, vous infligeant cette existence modeste et solitaire alors que votre rang et votre fortune pourraient mettre cette ville à vos pieds. Décidément je ne parviens pas à vous comprendre…dit-il en riant. Vous ne dites mot Fersen ? Ne soyez donc pas timide avec moi voyons ! Préférez vous peut être que nous fassions d’abord les présentations ? Je suis Lestat de Lioncourt.
AF : Je sais donc enfin à qui j’ai à faire. Lestat de Lioncourt…vous êtes français, je l’avais deviné à votre accent…mais votre nom ne me dit toujours pas ce que vous êtes, car vous êtes assurément doté de certaines capacités qui m’échappent encore…
LL : J’ai certains pouvoirs je vous le concède, mais ils dépassent largement ce que vous pensez savoir de moi. Non je ne suis pas un chaman ou quelque autre magicien de pacotille comme vous semblez le croire. Décidément vous êtes bien naïf ! Je n’use d’aucune sorcellerie ! C’est un don que j’ai… et si vous le souhaitez, je peu le mettre à votre portée.
AF : Quelque chose me dit que vous vous fichez bien que j’accepte ou non…Je ne sais certes pas lire dans vos pensées comme vous semblez le faire à mon endroit, mais je sais que vous me cachez la véritable raison de votre intérêt pour moi, ainsi que votre véritable nature…
LL : Comme vous y allez ! Je vois que l’on ne peu vous abuser Monsieur de Fersen. Je vais jouer franc jeu avec vous puisque vous insistez. Je suis un vampire, pas de ceux que vous connaissez dans vos légendes bien sûr, ce ne sont là que racontars de vieilles femmes…la vérité est bien plus fascinante…
Pourquoi je sollicite si souvent votre compagnie ? C’est simple, je souhaite vous offrir le don ténébreux. Je pense que nous pourrions très bien nous entendre et que vous êtes digne de ce que je vous offre.
AF : (qui ne se laisse pas démonter et qui ne doute pas un instant de la vérité des dires de Lestat) Pourquoi donc pensez-vous que j’en sois « digne » ? Et qui vous dit que je souhaite ce « Don Ténébreux », je ne suis pas sûr de vouloir devenir un vampire voyez-vous…
LL : En êtes vous si sûr ? Vous vivez dans le tourment perpétuel, même si vous pensez que votre vie vous convient aujourd’hui, vous vivez dans le passé. Toutes vos pensées vont vers elle, et cela ne cessera jamais, vous le savez. Moi je vous offre l’oubli, l’absence de regrets et une vie exceptionnelle à laquelle vous n’aviez jamais rêvé.
Je viens mettre fin aux tourments de votre cœur Fersen »
En disant ces mots il s’était levé et s’était approché de Fersen. Avant même que celui-ci puisse réagir, Lestat l’avait enlacé et lui mordait le cou de ses lèvres douces et glacées. Un tourbillon de volupté et de douleur emporta Fersen qui ne se débattit pas.
Le sang du beau suédois coulait entre les lèvres du vampire plus doux que le miel et le vin. Le flot de sang s’accompagnait d’images vagabondes, des visages de femmes aux cheveux blonds et aux yeux d’azur. Elles se mêlaient dans une ronde infernale et sensuelle. Lestat s’abandonnait à l’extase le corps de Fersen complètement alangui entre ses bras. Il goûtait cette volupté de sentir cette vie palpitante couler à présent dans ses veines.
Le Gentilhomme n’avait opposé aucune résistance jusque là, la douleur était si douce…puis l’image d’Oscar lui vint à l’esprit, la belle et courageuse Oscar, son amie si chère…A la pensée de la jeune femme la lucidité lui revint et il se débattit de toutes ses forces. Le vampire était d’une force peu commune et serra davantage le noble suédois. Fersen continua la lutte. Contre toute attente, Lestat lâcha prise, Fersen d’écroula sur le sol. « Vous n’êtes pas encore prêt…dit le Vampire ; mais n’en doutez pas, je reviendrai. » A ces mots il disparut aussi mystérieusement qu’il était venu.
Fersen ressentait à présent la douleur intense de la morsure à son cou. Le Vampire avait bu beaucoup de sang et la résistance de Fersen avait encore accentué la fatigue immense qu’il ressentait. Il était très faible et perdit connaissance à même le sol.
Il fit d’étranges rêves dans son coma. Il vit Lestat riant très fort et se moquant de lui ; Marie-Antoinette dansant à Versailles, dans un tourbillon de dentelles et de rubans ; mais le visage qu’il vit le plus fut celui d’Oscar. Elle se tenait là droite et farouche, ses yeux d’azur le fixaient avec réprobation, elle était silencieuse et lointaine ; ses boucles blondes ondulaient au vent, elle était belle comme un songe d’été, une déesse inaccessible. Il ne l’avait jamais vue ainsi. Puis toutes ces images disparurent et firent place aux ténèbres glacées. Fersen se vit mort baignant dans son sang, des corbeaux lui dévoraient les yeux...
L’aube eut raison des délires de Fersen. La chaleur du Soleil venait réchauffer le corps glacé du Gentilhomme moribond. Sa tête tournait, il arrivait à peine à bouger. Sa pensée toute entière était focalisée sur la fuite, fuir à tout pris ce démon sanguinaire. Il ne voulait pas mourir, et encore moins devenir un vampire, la chose lui paraissait par trop horrible.
Péniblement il se traîna vers son secrétaire et ouvrit un tiroir. Il en sortit une bourse de peau ornée de perles de terre, le cadeau d’Aigle Noir. Il en sorti une racine brune qu’il se mit à mâcher lentement. L’amertume lui sembla douce et revigorante. Peu à peu, les effets de la racine se firent sentir, son esprit s’éclaircit et les forces lui revinrent doucement. De toute façon il n’avait pas d’autre issue que de faire face et de se battre pour vivre. La douleur et la torpeur résistaient mais Fersen résistait de toute son âme pour ne pas sombrer.


Après avoir avalé un peu de nourriture et une décoction de plantes, Fersen rassembla son argent, ses papiers importants et quelques objets chers à son cœur et quitta définitivement son appartement. Une fois dans la rue il héla une voiture et se fit conduire hors de la ville, chez une prêtresse Vaudoue réputée.

Le voyage fut pénible car il souffrait encore beaucoup. Le cocher le déposa à quelque distance de la maison de la Prêtresse, comme beaucoup de gens, il était superstitieux et craignait la magie Vaudoue.
Fersen marcha péniblement vers la maison que lui avait désigné le cocher.
C’était une petite bâtisse de plein pied aux murs de terre séchée et au toit de paille. Au dessus de la porte était accroché le crâne blanchi d’un animal. Il n’y avait pas de porte, seul un rideau de perles et de coquillages masquaient l’intérieur de la maison. Axel de Fersen l’écarta de la main, il n’y avait personne ; il appela mais on ne lui répondit pas. La maison ne semblait pas abandonnée pourtant, la pièce qui s’étendait devant lui était encombrée de pots, boîtes et colifichets divers qui envahissaient tables et étagères. L’air était saturé par l’odeur des différentes herbes stockées là. La fièvre revenait de plus belle et le gentilhomme se senti défaillir dans la chaleur torride de cette fin d’après midi. Lorsqu’il repris conscience, il était couché sur une natte posée sur le sol, dans une autre pièce de la maison lui semblait-il, au vu des odeurs environnantes. Une femme entra dans la pièce, elle posa un bassin d’au près de lui et s’agenouilla sur le sol. Elle était très belle, sa peau était cuivrée et ses cheveux noirs étaient savamment nattés sur sa tête. Fersen voulu parler, elle l’en empêcha en posant un doigt sur ses lèvres. Elle lui baigna le front avec de l’eau fraîche, et lui donna à boire un décoction amère, enfin, elle appliqua sur la plaie de son cou une sorte de cataplasme chaud et odorant. Fersen ignora combien de temps il resta dans cet état de semi conscience, des jours peut être. La femme était toujours présente et répétait avec douceur les mêmes gestes précis ; accompagnés d’incantations en créole.
Une nuit, il s’éveilla brutalement, comme lorsqu’on sort d’un cauchemar, il était trempé de sueur et l’air froid de la nuit le rafraîchissait agréablement. Il se sentait encore faible mais la douleur avait cessé et ses idées étaient plus claires que jamais.
Il se leva, de la lumière brillait dans la pièce adjacente. La femme était là, occupée à la préparation d’une soupe.
« Vous êtes pile à l’heure pour le souper » lui dit elle en créole avec un large sourire. A son invitation il s’assit à la table, il ne disait mot et se laissait guider. Elle lui servit de la soupe, du pain et de la viande séchée. Fersen était affamé et mangea avec appétit ce repas épicé. La femme le regardait, ses yeux étaient doux et son attitude rassurante. Quand il eu fini, il la remercia et lui raconta le motif de sa venue chez elle. Elle l’écouta patiemment, puis fini par lui dire qu’elle acceptait de lui donner son aide. Elle lui expliqua que la créature qu’il avait affronté était connue de la communauté créole. Depuis des mois il faisait des ravages, tuant parfois plusieurs personnes en une nuit…Les gens avaient peur.
Elle avait deviné la raison de sa visite en voyant les blessures à son coup, toutes les victimes en portaient de semblables, sauf qu’elles elles étaient mortes.
La prêtresse se nommait Kénicha, elle était une esclave affranchie.
Fersen parla aussi de ses connaissances chamaniques indiennes, elles pourraient peut être l’aider dans la lourde tâche qu’il allaient affronter ensemble.
Avant de combattre le démon sanguinaire Fersen repris de forces. Pendant cette période, il parla longuement de vampire et de ce qu’il lui avait dit. Il lui parla aussi des légendes nordiques qu’il connaissait au sujet de telles créatures. La belle Kénicha connaissait aussi de nombreux récits de démons buveurs de sang. Leurs savoirs mis en commun il élaborèrent une stratégie pour le détruire.




Lestat cherchait le suédois partout. Il ne pouvait tout de même pas avoir disparu ; d’autant que sa force vitale était faible lorsqu’il l’avait abandonné. Il sentait encore la saveur suave du sang du gentilhomme dans sa bouche…décidément cet homme était pleins de surprises et sa disparition ne faisait qu’attiser son désir d’en faire son compagnon. Ah ! Quel vampire il ferai, si seulement il se laissait faire ! Malgré ses certitudes, Lestat doutait au fond de lui, le souvenir de l’horrible transformation de Nicolas le hantait encore. Que devenait son ami d’enfance ? Était-il toujours au Théâtre des Vampires ? Si son projet tournait mal ? Si Fersen ne supportait pas la métamorphose ? non, les deux hommes étaient tout à fait différents, Fersen était plus mûr que Nicolas, plus fort aussi.
Depuis son arrivée à la Nouvelle-Orléans, Lestat avait tout de suite repéré cet homme séduisant et raffiné. Il l’avait tout de suite désiré. Sa solitude était grande de puis que Gabrielle l’avait quitté en égypte. Sa mère était devenue insaisissable depuis son éveil au monde de la nuit, elle errait de par le monde tel un esprit du vent et de la terre. Son évolution avait été fulgurante…comme sa disparition de la vie de Lestat ; il avait bien continué sa quête de Marius en Afrique du nord, mais il n’y avait là bas nulle trace de cette légende, cet enfant des millénaires…C’est ainsi qu’il avait continué sa quête sur ce nouveau continent encore vierge.
Lorsque son chemin avait croisé celui du noble Gentilhomme venu du froid, il avait suspendu ses recherches veines. Tout son esprit était à présent focalisé sur cet homme. La vie serait moins triste avec un tel compagnon, peut être même trouverait il la force de rentrer à Paris avec cet homme à ses côtés, et affronter la vision de Nicolas sans avoir trop de peine…
Il ne lui restait qu’à le retrouver, s’il ne se laissait pas convaincre il le prendrait de force. Il avait été bien bête de lui laisser le temps de réfléchir, si les choses étaient à refaire…
Chez Kénicha, la stratégie de destruction du vampire prenait forme. Fersen servirai d’appât, il serait enduit d’une mixture très secrète, une recette africaine ancestrale. Il se laissera approcher par Lestat qui, une fois en contact avec la préparation sera irrémédiablement empoisonné, enfin il fallait l’espérer.
Pour préparer le mélange, Fersen dût se rendre dans le bayou et s’installer au pied d’un arbre ; tourné vers le couchant et serrant un morceau de sel gemme entre les dents , il écorcha l’une des racines de l’arbre, qu’il exposa ainsi au soleil levant. Il dût conserver le fragment d’écorce prélevé contre sa peau. Trois vendredis de suite il renouvela exactement la même opération, au même endroit à la même heure. Avec les écorces prélevées Kénicha confectionna une poudre en les broyant. Elle mélangea cette poudre à d’autres herbes et confectionna un onguent dont Fersen s’enduirait le corps. Les herbes utilisées étaient sensées avoir l’effet d’un poison pour le vampire, mais ni Kénicha ni Fersen ne pouvaient en être sûrs, aucun essai n’avait été encore fait, personne ne voulant jouer le rôle de l’appât.
Fersen se chargea de donner rendez vous à Lestat, il savait que le jeune homme lisait sa gazette, il la tenait en main la première fois qu’il l’avait vu, dans la taverne. Il envoya donc un court récit intitulé « Lestat le Vampire », dans la quelle il racontait sa terrible nuit et avec un rendez-vous donné au vampire en guise de conclusion. Sans qu’il ne sache dire pourquoi, Fersen était sûr que son plan marcherai. Kénicha disait que le vampire et lui étaient liés, et il savait que c’était vrai.
La rencontre devait avoir lieu chez Fersen, une heure avant l’aube, ce qui réduisait le risque pour le suédois. Kénicha serait présente mais invisible à Lestat, il devait penser qu’il était seul avec Fersen.



Le moment arriva enfin. Au début de la nuit, Kénicha se chargea de préparer Fersen, seule une Prêtresse Vaudoue pouvait appliquer la pommade. Fersen devait en être totalement recouvert…La nudité aurait dû le gêner, mais il n’en fut rien. Il avait partagé tant de choses avec Kénicha ces derniers jours, il y avait entre eux un intimité physique et spirituelle qu’il n’avait jamais connu avec quiconque.
La jeune femme enduisit la peau blanche du corps athlétique du beau suédois en récitant des incantations en créoles. Fersen tentait de rester concentré, mais le contact de cette main douce et ferme sur les endroits les plus intimes de son corps lui procurait des sensations dont il était difficile de faire abstraction. Kénicha se rendait aussi compte du trouble de Fersen, elle ressentait elle aussi un désir brûlant au plus profond de son corps ; mais la mission de ce soir était trop importante et il fallait rester concentré sinon tout serait perdu pour le noble suédois. Elle ne laissa rien paraître de son trouble et continua ses psalmodies. Elle termina la pose de l’onguent et Fersen dû se revêtir des habits qu’il avait choisis et qui avaient été méticuleusement préparés par Kénicha. Chaque centimètre carré d’étoffe avait été saupoudré d’un mélange sacré accompagné d’incantations mystérieuses.
Durant les heures qui suivirent, Fersen se concentra, retrouvant les gestes apprit par Aigle-Noir. Son esprit se détacha de son corps pour partir dans le monde des esprits, il devait y trouver force et réponses. Il resta ainsi de longues heures en méditation. Pendant ce temps, Kénicha avait « préparé » l’appartement du Gentilhomme pour la visite de Lestat. Talismans et fétiches furent cachés dans des endroits stratégiques.



Lestat savait qu’il prenait un risque et que ce rendez vous était sans doute un piège ; mais il désirait trop le beau suédois pour ne pas prendre ce risque. Après tout, il était Lestat le Vampire et il ne craignait rien. Sa force et son pouvoir étaient au delà de ce que pouvait imaginer ce simple mortel. La chose était décidément trop drôle ! Le suédois s’imaginait sans doute qu’il parviendrait à lui résister ! A moins qu’il n’ai changé d’avis et qu’il ai pris la décision de le suivre…Cette idée était certes séduisante, mais Lestat savait bien qu’il devrait le prendre de force et cela n’était pas pour lui déplaire. Il imaginais déjà la résistance de ce corps musclé dans ses bras, puis l’abandon au seuil de la mort. La chose n’en serait que plus savoureuse !
D’un bond, il se posa sur le balcon de l’appartement. Les fenêtres étaient ouvertes et les rideaux blancs dansaient au vent. Seule la lune pleine éclairait la pièce de sa lumière argentée ; Axel de Fersen s’avança dans la douce et froide lumière. Il était très élégamment vêtu de soie grise. Cet habit ne faisait que renforcer son attrait et Lestat en fut troublé. L’homme ne disait mot. Lestat s’approcha de lui, il ne recula pas. Il l’enlaça et posa ses lèvres sur son cou. Sa peau avait une saveur amère qui empli vite sa bouche et son être tout entier. La recette marchait donc ; Lestat, en proie a un dégoût profond s’éloignait en se tordant de douleur, il regardait Fersen avec colère et incompréhension. Quelle était donc cette sorcellerie. Il tomba sur le sol, incapable de bouger, Fersen se dirigea alors vers lui, accompagné de Kénicha. Tous deux ils ligotèrent le vampire réduit à l’impuissance. Ils l’enveloppèrent dans un sac et l’emportèrent dans le chariot avec lequel ils étaient venus. Au grand galop, ils se rendirent dans le bayou. Le soleil allait se lever et c’est à ses premiers rayons qu’ils jetèrent le corps immobile dans l’eau putride du marais. Lestat fit entendre un cri atroce alors que le sac s’enfonçait à la lumière froide et dorée du soleil naissant. Fersen et Kénicha restèrent un moment là, craignant de le voir ressurgir. Puis ils quittèrent enfin le bayou pour rejoindre la maison de la jeune femme.


Ils n’échangèrent pas un mot durant le trajet. Arrivés à la maison de terre, Kénicha fit chauffer de l’eau pour préparer un bain au Gentilhomme ; il ne devait pas conserver de traces de l’onguent plus longtemps car le mélange pourrait s’avérer dangereux pour lui.
Elle le laissa seul pendant qu’il se dévêtait. Le Gentilhomme sentit qu’une gêne et un profond trouble s’était installée entre eux. Il se plongea dans l’eau parfumée de la vaste cuve qui servait de baignoire. Il ferma les yeux et se laissa porter par les parfums suaves de la vapeur d’eau. Il fut sorti de sa torpeur par le contact de mains sur son visage. Kénicha était là près de la baignoire, elle ôta l’étoffe qui la couvrait, la peau de son corps cuivré luisait sous les rayons du soleil qui entraient par la fenêtre. Elle plongea dans l’eau chaude et s’allongea sur le corps du beau suédois. Ses lèvres étaient douces et son baiser plus fougueux qu’un torrent de montagne. Fersen sentait ses mains sur sa peau et s’abandonnait à ces douces caresses. Il parcourait le corps ferme de la jeune femme, elle ondulait et frissonnait sous ses mains. Leurs baisers se faisaient plus passionnés à mesures que les caresses se faisaient plus précises. Leurs regards brûlaient du feu de la passion. La baignoire se révéla vite inconfortable pour leurs ébats, Fersen sorti de l’eau en portant Kénicha dans ses bras, il se dirigea vers la chambre et posa Kénicha sur la natte au sol. Leurs corps se mêlèrent avec fougue, ne faisant plus qu’un. Le tempérament de la jeune femme était volcanique, Fersen n’avait jamais rien connu de tel dans sa vie, elle lui fit découvrir des sensations et des caresses inconnues. Leur union dans le plaisir se prolongea jusqu'au soir. Le soleil se couchait quand Kénicha se leva. Elle se dirigea vers la fenêtre et tournant le dos à son amant lui demanda de partir. Fersen voulut comprendre, pourquoi partir à présent qu’ils s’étaient trouvés ?
Elle se retourna vers lui, l’or du couchant sur son visage, elle lui sourit et lui dit qu’elle était bien trop libre pour ne se consacrer qu’à un seul homme. Leur histoire était déjà finie, elle lui conseilla de retourner dans son pays et d’affronter ses vieux démons, la chose serait plus aisé maintenant qu’il en avait détruit un de chair et de sang…
Fersen comprenait. Il se rhabilla et partit sans se retourner.
Trois jours plus tard il embarquait pour la France, laissant à jamais cette autre vie derrière lui.
Cette expérience l’avait profondément changé. Plus que l’affrontement avec Lestat, c’est sa rencontre avec Kénicha qui l’avait bouleversé. Jamais il n’avait pensé éprouver de tels sentiments pour une autre que sa Reine. Il se sentait serein et capable de fouler à nouveau le sol de France.
Il comptait rentrer en Suède, et se bâtir une nouvelle vie loin de ses anciens tourments ; mais avant il souhaitait revoir ses deux plus chers amis, Oscar et André. Oscar surtout occupait ses pensées. Il n ‘avait pas oublié ses visions de délire et la place qu’elle y occupait. C’est pour cette raison qu’il décida de lui rendre visite avant de rejoindre ses brumes glacées du nord…


Et Lestat me direz vous ? Eh bien, même si le plan de Kénicha et Fersen était plutôt habile, il n’avait pas réussi à venir à bout du vampire. Il était parvenu à se libérer de ses liens et, se nourrissant de toute la faune putride du Mississipi, il retrouva des forces. Quelques esclaves en fuite finirent de le remettre sur pieds…
Cette expérience serait assurément utile pour le futur…
Il ne souhaita néanmoins pas rester en Amérique, sa quête n’étais pas finie et cette aventure l’avait fort retardé dans ses recherches. Il décida donc de les reprendre en Afrique du nord, là où il les avait laissées. La terre de Louisiane resta pourtant dans un coin de son cœur, et il se promit d’y revenir un jour ; mais cette fois c’est lui qui gagnerait…
On ignore encore pourquoi ce récit ne figure pas dans les « Chroniques d’un Vampire », récit de ses aventures qu’il publia sous le nom d’Anne Rice.
Si d’aventure vous le croisez une nuit, demandez le lui…


(Merci à Anne Rice de nous avoir offert Lestat, son enfant des Ténèbres…)

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