Au delà des étoiles

Au-delà des étoiles



Oscar venait de fermer les yeux pour la dernière fois. Elle revoyait André qui lui souriait, nimbé d’étoiles et de lucioles. Puis vint l’obscurité, elle perdit conscience…

Puis, comme dans un rêve, elle sentit la vie revenir en elle. Cela commença par la sensation d’une douce brise sur son visage. Puis elle entendit le bruit du vent dans des feuillages et la douce mélodie des vagues au loin ; l’air était envahit d’un léger, mais bien présent, parfum de fleur.
Oscar se sentait bien, elle n’avait plus mal, elle savoura cette délicieuse sensation de plénitude. Doucement, elle ouvrit les paupières, ses yeux furent éblouis par la claire lumière du soleil et elle mit quelques minutes à voir convenablement les lieux qui l ‘entouraient.

Elle était allongée sur une méridienne, garnie de coussins moelleux, au centre d’un kiosque de jardin de bois sculpté d’arabesques où grimpait une plante aux fleurs odorantes. Le kiosque se trouvait au milieu d’un luxuriant jardin de fleurs et d’arbres. Dans une trouée au milieu des plantes, non loin de là, elle pouvait voir des falaises grises avec la mer à leurs pieds. Elle ne connaissait pas cet endroit. Elle s’étira doucement dans les coussins de velours moelleux et s’assit. Comment diable était elle arrivée ici… Autre curiosité, elle était vêtue d’une longue robe de velours gris aux amples manches de brocart et de mousseline, à sa taille une ceinture d’argent ouvrée.
Pourtant, loin d’être inquiète, elle ressentait une étrange sérénité dans son cœur.
Elle se levait quand un homme monta les marches du petit kiosque. Il était grand, avec une barbe très longue, et il était gris et âgé, sauf que ses yeux étaient vifs comme des étoiles. Il était vêtu d’un ample et long manteau de velours d’un gris sombre aux reflets d’argent.
Il la salua d’un geste de tête et lui demanda si elle avait bien dormi. Oscar lui répondit courtoisement qu’elle se sentait bien, puis lui demanda qui il était et où elle se trouvait. Il sourit doucement et lui répondit : « Je me nomme Cirdan, je suis le Charpentier de navires. Vous êtes ici en ma demeure Oscar de Jarjayes, aux Havres Gris. Oui je connais votre nom, et bien d’autres choses encore. Vous êtes ici parce que vous êtes morte, chère Damoiselle. Votre vie, votre courage et la pureté de votre cœur ont émus les Valards et les Hauts Elfes. Face à votre destin tragique, ils ont décidé vous faire un don exceptionnel : une nouvelle vie. »
Oscar était abasourdie, elle ne comprenait pas les paroles de Cirdan. Celui-ci lui expliqua alors que le monde était bien plus vaste qu’elle ne le pensait, plusieurs dimensions temporelles se côtoyaient en même temps sans jamais se rencontrer, évoluant chacune indépendamment des autres. A sa mort, elle avait glissé dans ce monde ancien où régnait encore la magie des Elfes et le pouvoir des Valards, que l’on pouvait considérer comme des divinités en quelques sorte.

Comprenant les difficultés de la jeune femme à appréhender cette nouvelle réalité il lui demanda de la suivre et l’emmena à travers le jardin jusqu’à un promontoire de pierre au centre duquel était un guéridon de pierre sur lequel était enchâssée une sphère de cristal sombre. Un Palantir, une des dernières pierres de vision, apportée ici par le Roi Elessar de Gondor. Cirdan demandât à Oscar d’y poser les mains et de regarder dans la pierre. A peine eut elle posée ses blanches mains sur le cristal couleur de nuit que celui-ci s’anima, elle voulut retirer ses mains, Cirdan la retint et la rassura. Des images apparurent enfin, elle vit le Château des Jarjayes, un messager, elle reconnut Alain, apportait la nouvelle de sa mort et de celle d’André à son père. Elle vit ensuite la ruelle où elle était morte, Rosalie qui pleurait et des hommes qui emportaient son corps sans vie. Ils le déposèrent dans la chapelle auprès de celui d’André et Rosalie le couvrit de pétales de roses. Oscar vit ensuite des images de la révolution, comme un résumé en image de ce que la France allait devenir. La fuite à Varennes, le procès de leurs Majestés, leur mort, le destin tragique du petit Dauphin et la mort violente de son ami Fersen. Tout défila sous ses yeux, les dernières images furent pour Rosalie et Bernard Châtelet qui coulaient des jours heureux entourés de leurs quatre enfants dans une grande demeure, qui se révéla être le Château des Jarjayes ! L’émotion était forte, Oscar retira ses mains et les images s’évanouirent.
Elle pleurait pour le triste destin du Roi et de la Reine, pour celui de Fersen aussi. La Révolution lui paraissait bien cruelle à présent. Devinant son trouble, Cirdan posa sa main sur le Palantir et d’autres images se firent voir. Elles montraient la France et ce qu’elle était devenue dans les deux siècles suivants, une nation prospère et puissante. La liberté et l’égalité avaient doucement fait leur chemin dans la vie de ce pays. Elle vit la déclaration des droits de l’homme et l’abolition de l’esclavage, l’école gratuite pour tous, le droit de vote des hommes et des femmes, l’amélioration de la condition de vie des pauvres. D’une voix douce, Cirdan lui dit que parfois un peuple devait traverser l’enfer et les ténèbres pour enfin voir la lumière et la liberté jaillir à l’horizon. La mort d’Oscar n’avait en rien été veine, car elle avait permis à un peuple d’avancer vers un autre destin.

Rassurée, Oscar n’en fut pas moins triste. Le visage d’André la hantait et il lui manquait plus que jamais.
Ressentant sa tristesse, Cirdan conduisit la jeune femme dans une autre partie des jardins où la vue magnifique qui s’y étendait atténuerait peut être son chagrin.
Ils longèrent le promontoire jusqu’à un endroit ombragé d’arbres en fleurs sous lesquels était un banc de pierre. Un jeune homme y était assis, il lisait. Il était vêtu d’une longue chemise rouge au col brodé sur un pantalon gris et portait de hautes bottes de cuir sombre. Sa silhouette semblait familière à Oscar. Elle s’approchait quand il se leva. Oscar ne put réprimer sa joie en découvrant le visage d’André !
Elle se jeta dans ses bras en pleurant de joie. Le jeune homme restait calme et la serra tendrement contre lui.
Cirdan avait raison, cet endroit lui avait fait oublier son chagrin. Oscar se retourna mais il avait disparut.

Elle regarda longuement André, il avait une allure princière ainsi vêtu. Le jeune homme, quant à lui, ne l’avait jamais vue si belle. Elle était éblouissante dans cette robe. Oscar ne pouvait pas dire un mot tant l’émotion était forte, elle ne pouvait non plus détacher ses yeux de ceux d’André. Il n’y avait plus trace de sa blessure à l’œil, un miracle de plus… de sa main elle effleura chaque parcelle de son visage, comme pour s’assurer qu’il était bien réel.
André la fixa tendrement puis déposa un doux baiser sur ses lèvres. Non ce ne pouvait être un rêve. Il était bien réel et Oscar s’abandonna avec bonheur dans ces bras forts et rassurants.
Le soleil était déjà haut dans le ciel. Il devait être près de midi quand une jeune femme, vêtue de blanc vint les trouver et leur demanda de la suivre.
Elle les conduisit dans une vaste demeure de pierres grises. Sur une terrasse fleurie donnant sur la mer, une table était dressée et chargée de victuailles. Les deux jeunes gens mangèrent ainsi en tête-à-tête. Les mets étaient délicieux et raffinés.
A la fin du repas, Cirdan vint les rejoindre et leur expliqua que dès le lendemain, ils partiraient ensemble sur un navire qui les emmèneraient vers l’ouest où ils rejoindraient les terres immortelles. Cette faveur était unique et il leur fit bien comprendre le privilège que cela représentait. Là bas, ils seraient pour toujours à l’abris de la douleur et la mort et couleraient enfin des jours heureux parmi les Elfes.
Avant de partir, pourtant il leur restait une dernière chose à accomplir.
La jeune femme en blanc vint chercher Oscar. Elle la conduisit dans une vaste chambre où un bain parfumé avait été préparé. La jeune femme fut baignée, parfumée et apprêtée. On la vêtit d’une somptueuse robe de mousseline blanche, semblable, de coupe à la précédente, au corselet de brocart et d’argent. On arrangea des fleurs blanches dans ses cheveux.
Ainsi parée, Oscar fut conduite dans les jardins. Cirdan l’attendait sous une tonnelle fleurie avec d’autres Elfes. Cette assemblée était d’une beauté irréelle dans la lumière triomphante de l’après-midi.
Aux côtés de Cirdan se tenait André, vêtu de brocart pourpre.
Cirdan s’avança vers la jeune femme et la conduisit vers André. Il leur joignit les mains et prononça quelques mots dans une langue étrange et douce. Il les regarda un instant en souriant et leur demanda à chacun s’ils acceptaient de prendre l’autre pour époux. Les deux jeunes gens, émus aux larmes, échangèrent leurs vœux, se promettant de s’aimer pour l’éternité.
Cirdan les bénit et la petite assemblée les applaudissait tandis qu’ils échangeaient leur premier baiser d’époux.


Enfin le destin leur souriait et ils pouvaient vivre leur amour au grand jour. Ils passèrent l’après midi dans le merveilleux jardin chatoyant, tout au bonheur de s’être retrouvés.
A la tombé de la nuit, on les conduisit à leur chambre. La pièce était illuminée de centaines de petites bougies. Des fleurs parfumaient l’air, et un lit moelleux se devinait derrière un fin voile de tulle blanc.
André contemplait sa jeune épouse qui rayonnait de bonheur. Jamais il n’aurait pensé pouvoir vivre un tel moment de félicité.
Elle était si belle, doucement il effleura son visage du bout des doigts, puis il glissa les mains dans la somptueuse chevelure dorée, parsemée de fleurs. Oscar se sera contre lui et l’embrassa doucement.
Elle voulait prendre son temps cette fois-ci, pas comme cette nuit au fond des bois où le sol dur et l’herbe humide avaient rendu leur union assez inconfortable…en plus d’être douloureuse (sans parler des moustiques, proliférant le long du canal, qui les avaient dévorés tout entier de leurs piqûres…y a des endroits où cela fait mal ce genre de piqûres…)
Ici, rien ne viendrait les troubler et elle pouvait enfin s’abandonner totalement au plaisir que lui procuraient les caresses de son époux.
André savourait aussi chaques minutes. Ses gestes étaient lents. Il se laissait enivrer de son parfum. Longtemps ils s’embrassèrent, se caressèrent, ôtant avec patience chacun de leurs vêtements.
Les yeux d’Oscar brillaient d’un éclat intense dans la lumière des bougies, son corps nu avait la blancheur d l’albâtre. Pour la première fois il la contemplait dans toute sa splendeur. Il n’en avait pas eu l’occasion la première fois, malgré la pleine lune, à cause de ses yeux défaillants. Elle était infiniment désirable et il la souleva dans ses bras pour la déposer sur la couche aux coussins blancs.
Il embrassa longuement chaque parcelle de son corps, jouant avec ses lèvres et sa langue sur sa peau douce. Elle frissonnait de plaisir. Jamais elle n’avait pensé ressentir de telles choses. La lenteur des mouvements d’André accentuait encore son plaisir. Il embrassait ses lèvres quand d’un mouvement elle le mit sur le dos et lui imposa à son tour mille délices de ses lèvres et de sa langue. André fut étonné de tant de hardiesse. La jeune femme fragile et vulnérable de la « nuit des lucioles » était bien loin de cette amante passionnée, pleinement consciente de sa sensualité. C’est elle qui prit l’initiative d’unir leur deux corps. André se laissait faire, savourant la lenteur de ses mouvements. Il avait ses yeux rivés dans les siens. Son regard était ardent, elle se dressait au-dessus de lui, telle une fière et farouche amazone. Il reconnaissait bien là son Oscar, rebelle et fougueuse…
Puis il repris le contrôle de ses mouvements et domina de nouveau la jeune femme. Toute la nuit, ce ne fut qu’une joute enflammée entre leurs deux corps enfiévrés. Ils retrouvaient là le rythme effréné de leurs duels d’autrefois. Sauf que cette fois il n’y avait aucune épée entre eux…
Les bougies s’éteignirent une à une, laissant la nuit tiède envelopper de son voile pudique l’union de leurs corps et de leurs âmes.

L’aube se leva sur leurs deux corps enlacés. Les cheveux d’Oscar s’étalaient, autour de son visage radieux, comme un soleil d’été.
Le réveil fut tendre.
Quelqu’un avait déposé un plateau de petit déjeuner sur la table auprès de leur lit. Dans la salle d’eau adjacente à leur chambre, un bain leur fut préparé.
Ils mangèrent, se baignèrent et revêtirent les vêtements qu’on leur avait préparés.
Tous deux vêtus de vert, sombre pour André et argenté pour Oscar, ils furent conduit à Cirdan. Celui-ci les mena au port. Là ils embarquèrent sur un gracieux navire en compagne d’une bien étrange assemblée. Il y avait une femme blonde, vêtue de blanc à la beauté éclatante et surnaturelle. Un homme aux cheveux noirs et au front ceint d’un bandeau d’argent l’accompagnait. Il y avait aussi un vieil homme à barbe blanche et lui aussi vêtu de blanc. Il embarqua en compagnie d’un magnifique cheval couleur d’argent et d’un petit homme pas plus grand qu’un enfant de huit ans. Ce dernier portait un gilet et une culotte de velours bruns et une cape grise retenue par une feuille en argent.
Sur le quai restaient trois autres petits bonhommes du même aspect qui lui disaient adieu.
Oscar et André embarquèrent en dernier, et le bateau largua les amarres, hissa les voiles, le vent souffla, et, lentement, le navire s’en fut en glissant dans le long estuaire gris. Il passa en Haute Mer et passa vers l’Ouest, jusqu’à ce qu’enfin, par une nuit pluvieuse, Oscar et André sentirent dans l’air une douce fragrance et entendirent flotter sur l’eau un son de chants. Il leur sembla alors que le rideau gris de la pluie se muait en verre argenté qui se repliait et ils virent des rivages blancs, et au delà, un lointain pays verdoyant.
Ils joignirent leurs mains, heureux de se sentir enfin arrivés chez eux.

Fin

Cette fic à été imaginée un jour que je cherchais à unir les deux univers qui font partie de ma vie : La rose de Versailles et la Terre du Milieu. J’ai pensé que le départ des Havres Gris qui clos le livre de Tolkien était comme une belle allégorie de la mort et du passage d’un monde à l’autre. D’où l’idée de faire revivre Oscar et André pour les faire embarquer sur ce navire. C’est plus original que le paradis.
Merci à Tolkien pour les dernières lignes qui sont de lui, le nom de Frodon remplacé par celui de nos deux héros.

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