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Gentleman

Gentleman …

 

Elle était tombée. Les balles étaient tombée en pluie et l'une d'elle avait touché sa poitrine. Très vite, ses hommes l'avaient éloignée de là. Très vite, elle avait été mise à l'abri...

Elle avait fermé les yeux, on l'avait crue morte...

La Bastille était tombée la veille sous l'assaut des révoltés. Chez Bernard Châtelet et sa femme Rosalie quelques fidèles s'étaient réunis. Ils parlaient à voix basse. Rosalie entra dans la pièce, elle était accompagnée du Docteur Lassone. Ce dernier pris la parole, les autres l'écoutèrent avec ferveur et anxiété.

« Elle a ouvert les yeux. Elle est faible mais la blessure est moins grave qu'il n'y paraissait de premier abord. Elle pourra s'en sortir, mais elle est très faible. Il lui faudra du repos, un repos absolu, et beaucoup de soins. Vous devez aussi savoir que si elle s'en sort elle ne sera pas pour autant sauvée... Ses jours sont comptés, elle est atteinte de phtisie. »

Le silence pesant lourd emplissait la pièce. Alain serait les poings et pleurait de rage. Non c'était trop cruel. Rosalie pleurait aussi en silence, mais non elle en renoncerai pas, elle la sauverai coûte que coûte. Elle le lui devait.Les jours suivant, la malade resta dans un calme absolu, Rosalie lui faisait ses soins et la nourrissait. Elle ne parlait pas, elle ne pleurait pas non plus. Son regard était vide et elle ne semblait pas reconnaître la douce jeune fille qui s'occupait d'elle.

Les soldats se relayaient pour garder la porte des Châtelet, car Oscar était une aristocrate traître, et ils craignaient qu'on vienne l'achever.

Bernard était souvent absent, il passait son temps dans les réunions de patriotes et dans son journal. Le pays était dans l'effervescence et il ne pouvait pas rester dans l'immobilisme, il voulait agir pour changer les choses. L'état d'Oscar le préoccupait, certes mais le destin du pays était plus important que tout.

Un soir, Alain, qui montait la garde cette fois là, entra dans l'appartement accompagné d'un homme en noir. Il était grand et portait un chapeau, son col dissimulait son visage. 

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Lorsqu'il retira son chapeau, Rosalie reconnu Monsieur de Girodelle. Elle l'avais déjà vu chez les Jarjayes du temps des années heureuses, elle savait que cet homme était un soldat de la Garde Royale et qu'il avait succédé à Oscar.

« Pardonnez moi de vous déranger Madame. » Il parlai à voix basse. « Je viens vous voir dans le plus grand secret. J'ai appris ce qui était arrivé à Oscar de Jarjayes et je sais qu'elle est ici. 

- Qui vous laisse croire qu'Oscar de Jarjayes se trouve ici Monsieur ? Vous vous méprenez ! » répondit Rosalie avec beaucoup de calme. « Le Colonel de Jarjayes est tombé sous les balles lors de la prise de la Bastille Monsieur, et vous avez bien du toupet de venir ici troubler mon deuil !

- Je sais que vous la protégez, elle est en vie, je le sais. André est bel et bien mort mais elle vit. Je viens de ma propre initiative, personne ne sais ce que j'ai découvert, pas même le Général. Je ne veux surtout pas mettre sa vie en péril...

- Je vous répète qu' Oscar est morte Monsieur...

- … Vous mentez, et c'est tout à votre honneur. Je sais que tout cela est faux. Oscar est en grand danger, la rumeur court Madame. Tôt ou tard ils viendrons ici l'assassiner. Elle est un symbole trop fort pour rester en vie. Elle est un danger pour la monarchie et pour la révolution, car oui certains révolutionnaires veulent aussi la faire disparaître, elle risque d'être trop gênante. Oscar de Jarjayes est beaucoup plus utile morte pour bien des gens.

- Et pourquoi je vous croirais Monsieur le Comte de Girodelle ? Vous avez vous même commandé la Garde Royale et vous vous apprêtiez à tirer sur les députés du Tiers si Oscar ne vous en avais pas empêché !

- Oui, c'est vrai, j'étais prêt à obéir à cet ordre. Je vous confie aussi que je ne suis pas e accord avec vos idées. Cette révolution est une ineptie... mais je ne viens pas ici pour parler politique Madame, je viens ici pour la sauver, la mettre à l'abris, rien d'autre.

- Et pourquoi devrais-je vous croire ? Vous êtes contre nous. Vous voulez peut être sa mort vous aussi.

- Non, je vous l'assure. J'aime cette femme, je l'ai demandée en mariage. Le Général était d'accord mais pas elle. Je n'ai pourtant pas cessé de l'aimer, et par amour pour elle je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour la sauver, dussé-je y laisser la vie. Je sais qu'elle aimait André. Je ne cherche pas à la sauver pour la conquérir, elle n'est pas de ces femmes là. Je veux juste la sauver, car sa vie est trop précieuse, car elle est en danger, car je ne peu pas imaginer ne pas le faire. » Des larmes roulaient sur les joues de cet homme si réservé d'ordinaire...

Resté silencieux jusque là, Alain prit la parole « Je sais mieux que quiconque que le Colonel est en danger car j'ai entendu pas mal de rumeurs dans Paris ces jours derniers. Rosalie ne sort pas d'ici elle ne peut pas savoir. Rosalie, je n'ai pas laissé entrer cet homme sans savoir pourquoi il venait, nous avons longuement conversé cet après-midi. Si il s'agissait d'un autre sujet je ne vous ferai pas confiance, mais là vos intentions sont pures. De toute façons nous n'avons pas d'autres choix Rosalie... Nous devons agir vite pour la mettre à l'abri, ici elle n'est plus en sécurité. Monsieur de Girodelle possède un relais de chasse en dehors de Paris, c'est un lieu isolé qu'il n'occupe jamais. Il a prévu d'y cacher le Colonel dans un premier temps car elle ne pourra supporter un voyage plus long. J'ai confiance en ce plan. Monsieur de Girodelle n'est pas la première personne à laquelle on pensera, le Colonel de Jarjayes lui a tenu tête et il est de notoriété publique de Monsieur de Girodelle n'appartient pas au camp des patriotes. Qui pourrai soupçonner qu'il veuilles sauver une femme qui s'est opposée à lui et qui lui a refusé sa main ! Et j'ai obtenu de suivre le Colonel, je ne la quitterai pas.»

Rosalie l'écoutait silencieuse, les paupières baissées. Dans un soupir, elle avança vers Girodelle et le regarda droit dans les yeux. « Vous me jurez que vous voulez vraiment la sauver ?

- Oui je vous le jure Madame. Sur mon honneur et sur ma vie. Si j'échoue, j'accepterai votre sentence. »

Rosalie acquiesça en silence . Tout alla alors très vite. On reveti Oscar d'une robe de Rosalie, la jeune femme la coiffa comme elle et lui mis un bonnet blanc sur les cheveux. C'est au milieu de la nuit que Girodelle porta Oscar dans ses bras jusqu'à une berline garée dans la ruelle. La voiture parti doucement aussitôt.

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Un fin rayon de soleil passait au travers des rideaux clos. La chambre était dans la pénombre et elle ne distinguait pas vraiment où elle se trouvait. Une chose était sûre, cet endroit lui était inconnu, les draps sous ses doigts étaient fins et brodés. L'odeur de la pièce n'était plus la même.

Dans un salon confortable et sobrement meublé, Alain Delavigne fut éveillé par un hurlement déchirant. Il entra dans la chambre d'Oscar, elle était assise dans le lit et et hurlait comme prise de terreur. Elle s'agitait dangereusement, et ces sutures risquaient de rompre. Le jeune homme lui pris les poignets et lui parla doucement, il la pris dans ses bras pour la calmer. La voix calme, douce et familière semblait avoir un effet apaisant car elle se calma doucement en pleurant.

Lorsque Monsieur de Girodelle entra dans la pièce il trouva Alain assis sur bord du lit, parlant à voix basse et caressant les cheveux d'Oscar. Elle pleura un moment agrippée à lui et, sans doute épuisée, perdit connaissance. Il la déposa délicatement sur les oreillers et resta assis là. Girodelle ouvrit un peu les rideaux et alla chercher le médecin qu'il avait fait loger au château dans la préparation de son projet.

Le médecin entra dans la chambre et Alain en sorti. Lorsque le médecin rejoignit les deux hommes dans le salon il leur assura que les cicatrices étaient intactes. La jeune femme avait dû paniquer de se réveiller dans un endroit inconnu.

Une femme de chambre fut assignée à Oscar, les deux hommes ne pouvaient pas s'occuper d'elle pour sa toilette. Dans les jours qui suivirent la jeune femme restait toujours silencieuse. Selon le médecin, ce silence était normal car elle avait vécu un choc violent, et il arrivait que des personnes deviennent muettes dans ces conditions. Il ajouta aussi que certaines personnes victimes d'un choc émotionnel violent perdent la mémoire ou sombrent dans la folie...

Alain restait en permanence au château. Il avait quitté Paris avec Oscar puis était retourné dans la capitale pendant quelques jours pour faire ses adieux. Officiellement il partait à la campagne, loin de tout ça, il n'avait plus le goût à la révolution. Rosalie porta le deuil et sortit de nouveau. Tout le monde agit comme si Oscar était morte. La jeune femme qui reposait auprès d'André était une jeune femme morte dans les émeutes choisie pour sa chevelure blonde, elle avait été revêtue de l'uniforme du Colonel le lendemain de la visite de Girodelle. Rosalie et Bernard avaient fait rapatrier les cercueils à Arras selon les volontés d'Oscar et André.

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Au Relais de Chasse, la malade semblait bien se reposer et se remettre de ses blessures, par contre elle ne parlait toujours pas, et Alain, qui passait ses journées auprès d'elle, commençait à avoir des doutes concernant sa mémoire. Elle ne semblait pas le reconnaître et ne réagissait pas à certaines questions. Un jour il essaya de lui parler d'André, aucune réaction de chagrin. Elle le regardait avec cette expression neutre qui était la sienne en toute occasions.

Girodelle passait ses journées au dehors, il ne voulait pas que son absence se remarque et continuait à accomplir les devoirs de sa charge. Il lui arrivait de passer la nuit à Versailles car la situation était compliquée pour le Roi et la Reine. Le 18 Juillet, le Prince de Condé et le Comte d'Artois avaient quitté le pays. Le départ des Grands du Royaume avait inauguré une vague d'émigration. La Grande Peur prenait la province et des émeutes avaient lieu partout. Le 22 Juillet le contrôleur général des finances, Foullon et l’intendant de Paris, Bertier de Savigny, sont massacrés au cours d’une émeute.

Le lendemain, Necker, de retour de Suisse, avait réinstallé son ministère. Sa présence rassurait, mais combien de temps tiendra t'il ?

Le Comte était très inquiet pour la situation du pays, et plutôt pessimiste aussi. Il fallait qu'il trouve une solution pour l'avenir...

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Si l'état de santé d'Oscar s'améliorait vite du point de vue de sa blessure, elle était peu profonde et elle cicatrisait vite. Sa santé général elle aussi était meilleure. Elle toussait encore mais moins. Le repos, la nourriture saine et savoureuse, le soleil de l'été, le bon air de la forêt environnante, tout concourait à lui faire reprendre des forces. Elle avait les joues roses et le teint frais.

Son état psychique était plus préoccupant. On lui avait donné de quoi écrire et il était maintenant clair qu'elle ne se souvenait de rien, pas même de son nom. Son caractère aussi était différent, elle se laissait faire, elle ne contestait jamais. Alain ne la reconnaissait plus où était ce Colonel rebelle qu'il admirait tant. Cette femme si forte il y a quelques semaines encore était docile comme un enfant, fragile au possible.

Rosalie était venue la voir, une fois, elle était repartie en pleurant car son Oscar n'était plus la même. Et même si l'agitation parisienne autour de la prise de la bastille semblait loin, même si la rumeur dans Paris semblait aussi morte que la jeune femme qui avait pris sa place, Oscar était toujours à protéger, et les visites de Rosalie la mettrait en danger. Elle était l'épouse d'un patriote qui tenait un journal très en vue« Les Révolutions de France et de Brabant », et elle ne pouvait pas risquer de tout compromettre par des visites à un aristocrate proche de leurs Majestés. Elle restait donc en retrait. Alain lui faisait porter des messages parfois, pour donner des nouvelles sur « la Malade »

Monsieur de Girodelle avait fait venir des vêtements pour elle et elle acceptait de porter sans protester des vêtements féminins. Certes ce n'était pas pour déplaire à ces messieurs de la voir ainsi vêtue mais ils trouvaient cela très curieux et déstabilisant.

La première fois qu'il avait vue Oscar en robe et les cheveux relevés, Girodelle eut pourtant une sensation de déjà vu. Il se souvint d'un soir d'automne des années auparavant. Il y avait un bal à Versailles et il était de service, Oscar de Jarjayes n'était pas présent. Il se souvenait de cette soirée car une Duchesse étrangère était apparue au bal et avait fait sensation. Monsieur le Comte de Fersen avait dansé avec elle. En la voyant il comprit que cette femme inconnue était son Colonel. Il compris aussi qu'elle avait aimé Monsieur de Fersen. La peine le saisi à cette révélation, elle avait aimé cet homme, elle avait aimé André et lui non...

Alain lui s'évertuait à lui faire retrouver la mémoire et lui racontait sa vie enfin sa vie depuis qu'il la connaissait. Il hésitait à lui parler trop d'André et de sa mort, car il ne voulais pas la choquer d'avantage. Elle restait incrédule lorsqu'il la décrivait combattant à l'épée. Le récit de leur duel sous la;pluie l'avait même fait rire. « Vous vous moquez de moi » avait elle écrit. Ses manières délicates trahissaient sa bonne éducation, mais son maintient et sa façon de bouger tout en douceur et en délicatesse ne cessait pas de les surprendre, elle qui marchait comme un homme, elle qui pouvait avoir des manières singulièrement masculines...

Elle s'était même mise à la broderie ! Sa femme de chambre ne s'occupait que d'elle et lui tenait aussi compagnie. Elle semblait apprécier la présence de cette jeune femme. La domestique brodait parfois lors de leurs sorties dans les jardins. Oscar s'était montrée fascinée par ce qu'elle faisait et lui avait demandé de lui apprendre. Il va sans dire que cette soudaine passion pour la broderie et le résultat des premiers ouvrages eurent pour conséquence de bien faire rire Girodelle et Alain lorsqu'il n'étaient pas avec elle. 

Les deux hommes s'étaient étrangement rapprochés. Certes leurs convictions profondes sur la révolution était différentes, mais au fil du temps un profond respect mutuel s'était établie entre eux. Girodelle appréciait le franc parler de cet homme du peuple, et dans son fort intérieur il ne souhaitait qu'une chose : que toute cette agitation cesse et que tous puissent vivre en harmonie. Il reconnaissait petit à petit que l'aristocratie avait vécu dans l'aveuglement et que les hommes qui n'en faisaient pas partie avaient eux aussi des valeurs et le droit de vivre autrement. Il s'en gardait bien de le dire à Alain, par pudeur et par peur qu'on le pense ouvert aux idées révolutionnaires. Alain reconnaissait volontiers que cet homme était honnête et droit, et qu'il était bien dommage qu'il soit du mauvais côté !

Le 4 Août, les privilèges avaient été abolis par l'Assemblé Nationale Constituantes. La situation se calmait un peu et chacun goûtait ces jours heureux qui s'écoulaient calmement au château.

Une parenthèse de lumière dorée, c'est ainsi que ces moments resteraient gravés dans la mémoire d'Alain...

 

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Le mois d'août arrivait à sa fin. Oscar se portait mieux, même si la maladie continuait de la faire parfois souffrir. Rosalie était revenue la voir à deux reprises. L'agitation parisienne était toujours là, mais on ne pensait déjà plus à la Bastille tant les choses allaient vite. Les regards étaient tournés vers l'avenir, l'espoir et la peur régnaient.
Trop de confiance est nuisible et certains ne furent sans doutes pas assez prudents...

Un soir où l'on dînait dehors, un coup de feu retentit. Lorette, la femme de chambre qui était assise à côté d'Oscar fut touchée. Alain se précipitât sur les deux femmes pour les protéger. 

Girodelle venait de rentrer de Versailles et ne s'était pas encore changé pour le dîner. Il était par bonheur toujours en uniforme et donc armé. Mousquet au poing il se précipitât en direction du coup de feu tandis qu'Alain et les domestiques transportaient la blessée à l'intérieur. 

La poursuite dura jusqu'à un coin reculé du jardin dont la clôture brisée donnait sur la forêt. Girodelle vit un homme qui s'enfuyait et tira. L'homme fut touché et tomba de son cheval. Il n'était pas mort lorsque le Colonel de la Garde Royale s'avança vers lui.

« Qui t'envoie et pourquois ? 

-Elle doit mourir, c'est une traître au Roi...» dit il dans un râle avant de s'éteindre. Girodelle dissimulât le corps dans un buisson et le fouilla.  Il n'avait que son mousquet, un modèle banal est sans signe distinctif. Le discours de l'homme laissait entendre que ce n'étaient pas les révolutionnaires qui étaient à craindre mais les partisans du Roi..

Au château, on pansait Lorette qui n'était qu'éraflée à l'épaule. Elle avait beaucoup saigné mais la blessure était superficielle. L'obscurité ne convient pas à tous les tireurs... Oscar s'occupait de son amie. 

Girodelle et Alain s'éloignèrent. « L'homme est mort. Il n'a pas dit grand chose, il a juste évoqué une traitrise au Roi. Je pense que quelqu'un de la Noblesse est derrière cet attentat. Nous ne pouvons plus reculer, le château n'est plus sûr, nous partons cette nuit même. Alain je vous laisse partir devant pour mettre le plan en action. On se retrouve là-bas. » 
Alain, sans un mot acquiesça et sorti de la pièce.

 

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