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L'héroïne travestie

L'Héroïne travestie dans le Shôjo manga :

entre création d'un genre et revendication féministe.

 

Le magazine PRO-CHOIX propose dans son n° 23 un article très intéressant sur le travestissement dans le manga. Je retranscrit ici les extraits de cet article qui concernent "La Rose de Versailles" car cet article qui était dispo en ligne pendant des années n'y est plus... 2015 => on peut le lire dans son intégralité sur le site de Bounthavy Suvilay ICI

Citations de l'article de Bounthavy Suvilay :

"Lorsqu'on prononce le terme manga, les clichés ont une fâcheuse tendance à s'accumuler dans une même phrase, les récents articles de la presse généraliste sur le sujet ne contribuant pas à débarrasser le terme des préjugés qui le relèguent au rang de " japoniaiserie " destinée à un public acculturé. On réduit notamment les héroïnes de manga à des lolitas, des bimbos écervelées destinées à affoler le public masculin. Ce n'est certes pas tout à fait faux. La plastique impressionnante de Kusanagi dans Ghost in the Shell ou de Mima dans Perfect Blue, deux films diffusés au cinéma en France, vise bien à attirer les hommes. Mais le public visé par le manga ne se réduit pas à l'adolescence masculine comme une vue superficielle pourrait le laisser croire. Produit de consommation de masse, la bande dessinée au Japon (manga) est le véhicule d'une immense culture populaire qui s'est propagée en Occident par le biais de la diffusion des dessins animés (importés par les Européens et les Américains pour leur faible coût), des livres et des jeux vidéo. Le manga représente 38 % des publications au Japon (Kinsella 1999 : 568) et certains auteurs de bande dessinée figurent parmi les grandes fortunes japonaises.

À côté des publications destinées à un lectorat mâle (shônen manga), qui sont assez largement diffusées en Occident, existe une production prolifique de BD pour filles (shôjo manga), que l'on connaît en France par le biais des dessins animés tirés de ces œuvres : Candy ou plus récemment Sailor Moon. Bien sûr rien n'interdit à un homme de lire des manga pour femmes et inversement. Le succès des séries provient généralement de leur pouvoir fédérateur réunissant un public des deux sexes. Il y a des dessinatrices qui publient des shônen manga (Ranma 1/2 de Rumiko Takahashi), des dessinateurs de shôjo (Miyuki de Mitsuru Adachi), et des femmes qui publient dans les deux catégories (c'est le cas du groupe Clamp). En fait, la distinction shôjo/shônen est essentiellement liée à la revue de publication initiale.

Si l'on s'intéresse un peu plus au manga pour filles, on découvre une multitude d'œuvres où règne une certaine indistinction sexuelle. Parmi les shôjo, on trouve ainsi des manga gays (bishônen ai littéralement " amour entre adolescents " et YAOI) souvent écrit par des femmes, des manga lesbiens écrits généralement par des hommes ou des homosexuelles et des manga mettant en scène le travestissement. S'ajoutent à cela les séries fantastiques ou de SF où les personnages mènent une vie dans des mondes différents avec des sexes opposés : une femme se réincarne en homme ou vit sous l'apparence d'un homme dans un des mondes pour pouvoir séduire la personne qu'elle aime, ce qui aboutit dans le nouveau monde à des relations homosexuelles. Ce goû-t pour la représentation de l'homosexualité dans le shôjo dérive sans doute d'une des œuvres fondatrices du genre : Ribbon no kishi (" le chevalier au ruban "ou "Princesse Saphir"), d'Osamu Tezuka, considéré comme le père du manga moderne avec des séries aussi variées que Atom Boy (Astro le petit robot), Jungle Tattei (Le roi Léo), Hi no tori ou Black Jack.

 

Prince Saphir : la première " travestie " du shôjo

La bande dessinée de Tezuka est d'abord publiée chez shôjo club entre 1953 et 1958, avant d'être réécrite entre 1963 et 1966. L'immense succès du manga explique son adaptation en dessin animé en 1967, série qui a été diffusée en France en 1975 sous le titre Prince Saphir. L'auteur voulait à la fois toucher un public de filles et montrer des scènes d'action. Pour une plus grande identification du lectorat au personnage principal, celui-ci devait être une fille. Mais pour dessiner des intrigues à rebondissements autres que sentimentaux, il fallait que le personnage soit un garçon. Dans la société japonaise de l'après-guerre, l'image prégnante de la femme comme être fragile et futile, confinée aux travaux ménagers, ne permettait pas à Tezuka de mettre en scène une fille accomplissant des actions que l'on estime réservées à un garçon. Pour pallier ce problème d'adéquation à une représentation de ce que doivent être le genre féminin et le genre masculin, le personnage principal est une femme travestie. Plus précisément, il possède à la fois un cœur d'homme et un cœur de femme.

Dans l'univers fantaisiste de "Ribbon no kishi", influencé par les contes de fées occidentaux et le graphisme des frères Fleisher et de Disney, l'ange Tink a donné un cœur surnuméraire à l'héritière du trône de Silverland : Saphir est née avec une apparence féminine, mais aurait à la fois le caractère qu'on attribue à l'époque au genre masculin et au genre féminin. Cette originalité initiale légitime d'une façon légère mais cohérente son intrépidité et son courage au combat comme son goût pour les jolis vêtements. Pour Tezuka, il ne fait pas de doute que Saphir est une fille et non un androgyne ou un hermaphrodite. La fiction du cœur masculin n'est qu'une commodité pour mettre en scène le courage du personnage. Obligée de cacher son identité féminine afin d'hériter du trône et d'empêcher la prise de pouvoir par l'ignoble Duralumin, Saphir est toujours habillée en homme et se comporte comme tel. Mais un soir, alors qu'elle a été jusque-là élevée en garçon et habillée comme tel, Saphir se rend à un bal en se " déguisant " en fille.

Elle y rencontre évidemment un prince très charmant avec qui elle fêtera de joyeuses noces à la fin des sept cents pages du manga. Entre-temps, elle aura été démasquée à plusieurs reprises, confrontée aux manigances de la cour et d'une sorcière qui veut lui prendre son cœur de fille pour le donner à son propre enfant. Le travestissement de Saphir en homme ou en femme pose le problème de la représentation des genres et Atsushi Tanaka, en présentant l'œuvre dans le catalogue de l'exposition-hommage à Tezuka en 1990, déclare que le mangaka " met l'accent, non sur cette définition figée des rôles sexuels, mais sur la lutte intérieure qui na�t de la coexistence conflictuelle de ces deux pôles, et qui donne à cette œuvre le caractère unique et la profondeur qu'on associe aux manga de Tezuka ". Toutefois, Prince Saphir, même s'il a pu sembler subversif à sa parution, ne fait que conforter les stéréotypes sur le genre masculin et féminin. L'œuvre contribue, peut-être malgré l'auteur, à renforcer et à délimiter les zones d'action réservées à chacun des deux sexes.

Cette situation ambigue par rapport aux revendications féministes que comporte le manga et aux représentations sociales qu'il consolide n'est pas originale. Elle semble liée intrinsèquement à la thématique du travestissement. Le thème de la jeune fille travestie en homme est courant dans la littérature. On pense bien sûr à l'influence des mythes de femmes guerrières, Walkyries ou Amazones. Le travestissement a notamment été exploité dans les romans de chevalerie médiévaux comme Orlando Innamoramento et Orlando Furioso ou La Jérusalem délivrée : Clorinde, Bradamante et Marphise sont des " fortes filles " qui livrent bataille armées de pied en cap tels des hommes. On trouve une femme guerrière dans le Sirat Antara ou Roman d'Antar, roman de chevalerie arabe anonyme du XIIe siècle ou encore dans la légende chinoise de Mulan récemment popularisée par le film d'animation de Walt Disney et dont la première version écrite est un poème daté des environ de 500 apr. J.-C. En fait, ce thème se retrouve à peu près dans toutes les littératures orales.

Au siècle classique, en France, Mlle L'Héritier publie une version savante d'un conte intitulé Marmoisan ou l'Innocente tromperie. À une époque où la femme était perçue à la fois comme un être inférieur et menaçant, ce texte met à mal la distinction des genres de façon symbolique. Mais la sensibilité féministe du conte qui met en relief la discrimination et la soumission des femmes, loin de remettre en cause les structures sociales, paraît les confirmer. À la fin du conte, l'héroÏne travestie se marie avec le prince de son pays après lui avoir rendu de bons et loyaux services en tant que soldat. Malgré la sincère volonté de subversion de l'auteur, le conte entérine la distinction entre genre masculin et féminin.

On constate ainsi que le manga de Tezuka ne fait que reposer, de façon plus ludique et en touchant un public plus important, les problèmes que faisaient déjà surgir les textes des précieuses françaises. L'innovation du mangaka ne réside pas tant dans la reprise du thème du travestissement que dans son génie à le mettre en scène et à capter l'attention d'un public à la fois masculin et féminin. Avec Ribbon no kishi, l'auteur procure au shôjo manga une sorte de crédibilité, ou du moins une visibilité, qui va permettre à cette catégorie de se développer. Les éditeurs comme le lectorat recherchent alors des héro�nes qui " agissent " et qui ne se contentent pas d'" être ". Tous les auteurs de BD pour femmes sont ainsi redevables à l'œuvre de celui qui est considéré comme le père du manga.

 

(.....)

 

Mais revenons aux années soixante-dix qui voient non seulement l'éclosion du shônenai, mais surtout la consécration de la figure de la femme travestie avec Versailles no bara (" les roses de Versailles ") de Riyoko Ikeda, connu en France dans sa version animée sous le titre Lady Oscar *

  

 

Travestissement et révolution dans les années 1970

Paru en 1972, souvent réédité depuis, adapté en comédie musicale en 1974 par la troupe du Takarazuka (compagnie théâtrale composée uniquement de femmes), adapté en film par Jacques Demy (si, si) en 1978 et en dessin animé en 1979, Versailles no bara fut un véritable phénomène de société qualifié à l'époque de " berubara boom ". L'intrigue des 1700 pages de ce manga mêle habilement récit historique (la France sous le règne de Louis XV jusqu'à la révolution de 1789), intrigues romanesques entrecroisées, scènes d'action, mélodrame et humour. Désespéré de ne pas avoir de descendance mâle, le Général de Jarjayes nomme sa dernière fille Oscar et l'élève comme son fils. Celle-ci fait l'honneur de la famille lorsqu'elle est nommée capitaine de la garde royale pour assurer la protection de la jeune dauphine Marie-Antoinette, jeune autrichienne espiègle perdue dans un monde étranger, régi par l'étiquette et les cabales de la cour. Les deux jeunes femmes deviennent des amies intimes malgré la différence de rang social. Oscar fait de son mieux pour aider Marie-Antoinette, même lorsqu'elle s'éprend du suédois Axel de Fersen alors qu'elle est déjà mariée à un Louis XVI qui semble prendre plus de plaisir à créer des serrures qu'à s'occuper de son épouse ou du pays. Oscar prend aussi sous son aile une jeune orpheline, Rosalie, qui avait par méprise essayé de la tuer pour venger sa mère. Cette fille du peuple s'avère être la sœur de Jeanne de la Motte, intrigante à l'origine du scandale du collier de Reine, et l'enfant abandonné de la comtesse de Polignac, autre intrigante qui influence Marie-Antoinette. Le personnage fictif de Rosalie permet ainsi à Ikeda de lier invention et faits réels (affaire du collier et influence des Polignac sur la reine).

La déconstruction des cases dans la mise en page met particulièrement bien en valeur les émotions violentes des différents protagonistes soumis aux aléas de l'histoire comme aux chassés-croisés sentimentaux. Oscar est courtisée par les femmes de la cour, bien qu'elles sachent que c'est une femme, et l'une d'elles se suicide car on la destine à un autre**. Le capitaine de la garde royale, assez rapidement promu commandant, aime d'amour tendre Marie-Antoinette et Rosalie, s'éprend de Fersen à qui elle ne se résout pas à avouer sa féminité. Marie-Antoinette est partagée entre son amour pour Oscar et pour Madame de Polignac, sa passion pour Fersen et son devoir de reine. André, fidèle compagnon et frère de lait d'Oscar, l'aime en secret depuis toujours mais n'ose pas lui demander de reprendre l'apparence d'une femme. Les intrigues sentimentales sont bien plus développées que dans Ribbon no Kishi et le style graphique plus élaboré. D'une facture plus réaliste que l'œuvre de Tezuka, Versailles no bara pose également les problèmes de représentation de genre de manière plus approfondie. Oscar ayant été élevée comme un garçon refuse de porter des vêtements féminins et se perçoit comme un homme. Pour elle, il n'y a ni ambiguité ni travestissement : elle est un homme. C'est avec l'âge et l'émergence de sentiments amoureux qu'elle apprend à être une femme.

Le bal et le prince

C'est ce qu'on peut remarquer dans la scène de bal, cliché récurant dans les récits de travestissement. Dès le début de Ribbon no kishi, Saphir devait se travestir en fille pour aller danser. Outre le caractère humoristique de ce contre-travestissement qui met en lumière la conception stéréotypée des genres et leur inadéquation à l'identité ressentie par la personne, on remarque que l'héroïne apparaît sous sa forme féminine pour rencontrer son amour, comme si le couple n'était possible que sous sa forme hétérosexuelle. Dans les contes de type Cendrillon, l'héroïne se rend au bal avec des vêtements, un déguisement, magique qui révèle sa véritable identité. Au lieu de paraître telle une souillon, elle arbore tous les traits de la noblesse et est ainsi reconnue par le prince comme lui étant destinée. Il en est de même dans Ribbon no kishi. Saphir se rend au bal travestie en femme, révélant sa véritable identité biologique, et elle y rencontre son futur époux, le prince Franz Charming (sic). Cet épisode de conte appara�t aussi dans Versailles no bara mais est situé dans la seconde partie du manga. Marie-Antoinette et Axel de Fersen ayant décidé de suspendre à leur relation suite aux pressions de la cour, Oscar essaie de séduire le beau Suédois. Par amour pour Fersen, elle est prête à renoncer à sa vie d'homme. Aussi, n'étant plus entravée par sa fidélité à la reine, elle se déguise en femme pour aller au bal.

Là encore, le passage est comique puisqu'Oscar n'ayant jusque-là jamais porté de robe, tombe en marchant sur ses jupons. " Travestie " en femme, elle subjugue toutes les personnes présentes et danse avec Axel de Fersen qui, intrigué, lui avoue qu'elle ressemble à l'un de ses meilleurs amis et qui fait alors l'éloge d'Oscar en tant qu'homme. Un mois après lors d'une conversation avec Fersen, tous deux font le point sur leur situation amoureuse. S'il avait su qu'Oscar était une femme avant de rencontrer Marie-Antoinette, Fersen aurait pu l'aimer. Déçue mais lucide, elle demande alors une mutation pour ne plus côtoyer la reine et oublier son amant. La difficile conciliation entre l'identité féminine et masculine d'Oscar est ainsi mise en relief par cet épisode pervertissant le conte pour enfant. Le prince charmant est déjà l'amant d'une reine et la transformation de la travestie en femme n'a abouti qu'à un refoulement plus important de sa part féminine. Au lieu de révéler l'identité biologique réelle, l'épisode a surtout dévoilé l'importance de l'image sexuelle que l'on attache à quelqu'un. Parallèlement à ce bal où l'héroïne paraît en femme sans que personne ne le sache, il y a un autre bal où elle est censée se rendre officiellement habillée en fille. Après avoir quitté les gardes royaux, Oscar est demandé en mariage par son ancien sous-officier, Giraudel. Monsieur de Jarjayes, se sentant coupable d'avoir imposé une vie d'homme à sa fille, accepte la proposition et organise un bal où les prétendants doivent se réunir et accueillir Oscar en femme. En fait, elle ira à ce bal dans son uniforme militaire et, dans la version animée, déclare que vu l'absence de femme à ce bal, elle se retire chez elle. Dans le manga original, Oscar en habit militaire se met à courtiser ostentatoirement les femmes présentes et en embrasse quelques-unes. L'une des cases montre des femmes mécontentes de la " reconversion " officielle d'Oscar, et qui souhaitent qu'elle reste travestie. Une fois de plus, la scène de conte de fée tourne court : l'héroïne ne s'y rend pas habillée en princesse, mais paraït sous les traits d'un prince charmant séduisant aussi bien les hommes que les femmes.

Un autre passage du manga est particulièrement intéressant par rapport à l'idée de genre. André, frère de lait d'Oscar perd un œil dans une intrigue rocambolesque mettant en scène une sorte de Zorro, dont il est le sosie. Pour atténuer sa douleur physique et son angoisse de devenir aveugle, de ne plus pouvoir contempler la femme qu'il aime en secret depuis toujours, il se met à boire immodérément. Oscar se considérant comme un homme, il ne lui était jamais venu à l'esprit que l'attachement fraternel qu'elle éprouve pour son ami pouvait être de l'amour, et ce d'autant plus qu'André n'appartient pas à la noblesse. Un soir, passablement saoul, celui-ci arrache les vêtements masculins d'Oscar et la violente en lui déclarant son amour et en lui disant qu'elle restera toujours une femme. Choquée par cette démonstration mais acceptant néanmoins les excuses de son ami ayant retrouvé la raison, Oscar décide ne s'éloigner de lui et de nier définitivement la part féminine qu'elle avait eu le malheur de dévoiler lors du bal. Il est remarquable que la féminité soit mise à nu dans la tentative de viol, comme si finalement le genre féminin était par définition celui qui est vulnérable, celui qui subit la domination masculine dans les rapports sexuels. À la fin du manga, Oscar et André se réconcilient et jurent de se marier après ce qu'ils considèrent comme des émeutes d'un jour de juillet. Ils mourront tous deux lors de la prise de la Bastille.

Novateur et dérangeant, Versailles no bara est l'un des premiers manga à représenter des amours lesbiennes ( Charlotte, amoureuse d'Oscar, se suicide car elle doit épouser un homme ) et à poser le problème de l'identité de genre de manière claire : l'héroÏne se perçoit comme un homme et ce n'est qu'à cause de la pression imposée par le regard des autres qu'elle doit reconnaïtre son identité biologique et cesser d'être un homme en apparence. D'ailleurs, elle utilise les pronoms personnels réfléchis masculins et emploie un langage réservé aux hommes. Ce n'est que par amour pour un homme qu'elle renonce à en être un elle-même. L'œuvre d'Ikeda est aussi la première à avoir une telle audience auprès du public, malgré ses thèmes à connotations lesbiennes. Dans une intrigue adventice figurant après la fin de la série, Oscar est confrontée à une étrange femme accompagnée d'un homme séduisant qui charme les jeunes filles mais qui n'est en fait qu'un piège mortel. Lorsqu'une personne se jette dans les bras de ce prince charmant, elle est transpercée par des pointes qui sortent du corps de ce qui se révèle un automate. On ne peut dire de manière plus directe que de croire au prince charmant est mortel.

Cette portée subversive de la série sera renforcée par son adaptation en comédie musicale par le Takarazuka (pour plus de détails, voir Robertson 1998), compagnie où tous les rôles sont joués par des femmes. Créé en 1914 par Kobayashi Ichizo pour promouvoir une ligne ferroviaire, ce théâtre est le double inversé du kabuki, où tous les rôles sont tenus par des hommes. Bien qu'il n'y ait officiellement aucun sous-entendu lesbien dans ce théâtre, il est tout de même curieux de voir représenter la scène où André (une femme jouant ce rôle d'homme) déclare à Oscar (une femme jouant le rôle d'une femme travestie) que celle-ci est une femme malgré son apparence et sa volonté de nier son identité biologique

Même si finalement Oscar se voit réduite à adopter son identité biologique, même si son union avec André peut sembler une fin conventionnelle, la série par son caractère subversif et son incroyable audience au Japon et dans le monde marque pendant longtemps les mémoires, au point qu'il n'y a pas vraiment de manga majeur mettant en scène des femmes travesties durant la décennie suivante. (...)"

 

 

 

 

 

* Une fois de plus le titre français édulcore l'ambiguité du titre japonais : les " roses " désignent les diverses protagonistes femmes du manga, qui met en parallèle la vie d'Oscar et de Marie-Antoinette.

** Dans la version française du dessin-animé, l'identité biologique d'Oscar reste secrète et tout le monde pense que c'est un homme. Aussi la jeune aristocrate fait-elle une méprise en tombant amoureuse d'Oscar. Il est vrai que le CSA, n'aurait pas permis la diffusion d'un dessin-animé mettant en scène une relation lesbienne. De même, le titre nobiliaire anglais " lady " vise à effacer toute équivoque sexuelle en ce qui concerne l'héroïne.

 

 

Bounthavy Suvilay est Doctorante en Littérature générale et comparée (Paris III).
Agrégée de lettres modernes, enseignante dans le secondaire. 
Rédactrice en chef de Dofus Mag (magazine). 

Son site pour lire sa prose très instructive : http://bounthavy.com/wordpress/

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